Ces temps-ci, je suis écoeurée, mais vraiment de tout.
Je suis écoeurée de la région. Tannée de la compétition inutile Hull versus Gatineau, issue d'un snobisme et d'un élitisme flagrants, mais que personne n'assume; tannée de la compétition Ontario-Québec, qui elle relève d'abord de l'ethnocentrisme et des préjugés, même si personne ne l'avouera; tannée de la mentalité de village, tannée de la vision bornée à l'égard Montréal, qui ne peut être qu'un monstre terrible où il n'y a que saleté et traffic, vision qui refuse bien sûr de tenir compte du fait que Montréal fait vivre une maudite bonne partie du Québec, voire du Canada; tannée de la fermeture d'esprit de "région", des trous où il n'y a rien et où il ne se passe rien, tannée que mes opinions soient systématiquement jugées injustifiées et injustifiables; tannée d'être entourée d'un français médiocre et d'accents qui me font raidir les poils sur le corps, et tannée de devoir vivre une partie de ma vie en anglais.
Moi là, je trouve ça poche l'Outaouais, et oui, Hull encore plus que Gatineau; moi, j'aime pas ça le plein-air; moi, j'aime ça la ville; moi, je trouve ça ridicule un festival des montgolfières qui dure trois jours; moi, j'ai pas envie de me faire couper les cheveux en anglais, pis rien que pour ça, ya pas personne qui va me convaincre d'aller vivre en Ontario, et vous saurez que j'ai pas besoin d'avoir une "meilleure" raison que celle-là.
Je suis écoeurée de ma province. Je m'y étais toujours sentie à l'abri, j'avais toujours eu l'impression que mes valeurs y étaient protégées. Je m'étais manifestement trompée. Je suis tannée d'un gouvernement qui réagit avec la même finesse que George Bush quand on lui a annoncé les attaques du 11 septembre, à la différence que Bush, lui, il a fini par sortir de la salle de classe où il était - et dans la même journée! Je suis tannée, dis-je, de ce gouvernement irascible qui met en avant ses préjugés et son orgueil personnels, qui cherche des excuses pour ne pas s'asseoir à une table de négociations, qui mène une opération de relations publique pour gâcher l'image des autres et gagner l'opinion publique, et qui ne sait que se fâcher, claquer des portes et taper du pied en annonçant que "c'est ça qui est ça, pis ça finit là", comme si vraiment il s'agissait d'une attitude respectable. Je suis tannée de la population québécoise qui exige que le gouvernement en fasse et paye toujours plus pour elle, en oubliant manifestement que les sous du gouvernement, ce sont nos sous durement gagnés, pis que si, individuellement, on gérait mieux notre vie en général, on n'aurait pas besoin que le gouvernement fasse et paye tout ce qu'on lui demande. Je suis tannée de l'attitude de cette même population, qui chiale beaucoup, mais ne trouve jamais de solutions. Je suis tannée des groupes qui attaquent ma démocratie, qui comparent la situation au Québec au printemps arabe et à la situation des Noirs au temps de Martin Luther King, qui invoquent la démocratie pour justifier leur radicalisme et les mesures de quasi-terrorisme qu'ils utilisent pour se "défendre". Je suis tannée des bébés gâtés qui ne connaissent rien à la vie que leur propre nombril et qui croient que la population qui s'est récemment alliée au mouvement des casseroles appuient la cause étudiante.
Je suis écoeurée de mon pays. Mon pays qui élit (ou, en fait, sans doute pas) un gouvernement qui accumule les scandales, ne se donne même plus la peine de feindre la transparence, qui dirige le pays comme si les provinces n'existaient plus ou, du moins, ne se gouvernaient plus, qui n'a plus d'honneur et plus d'intérêts autres que ce qui touche l'économie, et ce, au détriment de la planète et de ceux qui y vivent, et qui se promène partout avec l'impression du devoir accompli. Un gouvernement qui est en train de transformer le Canada en un autre pays - et pas un nouveau, parce que le pays duquel il se rapproche existe déjà! - qui ne me plaît pas et dont je ne veux pas.
Certains jours je me demande si ça se répare tout ça. Ou si je vais finir par être obligée de me trouver un autre pays où vivre, de faire le choix d'émigrer et de m'intégrer à une autre culture, de crainte de finir par être étrangère chez moi.