Lorsque Coco est né, j'ai décidé de l'allaiter, et j'ai eu suffisamment de chance pour que ça fonctionne sans problème. Et ce jour-là, je suis entrée sans le savoir dans le grand débat de l'allaitement en public.
Jusque-là, je savais que la Cour suprême avait déclaré que toutes les femmes avaient le droit d'allaiter n'importe où, n'importe quand, et c'est tout ce qui m'intéressait. Je ne croyais pas que le débat faisait toujours rage en 2013! Mais c'est bien le cas : qu'il s'agisse de l'incident à l'Imprévu ou de Facebook qui accepte les photos d'allaitement, les commentaires ridicules de gens qui croient que "la liberté de l'un finit là où commence celle de l'autre" sont légion.
J'ai utilisé un tablier d'allaitement pour me couvrir pendant les premières semaines parce que, contrairement à ce que beaucoup semblent croire, je n'ai pas particulièrement envie de montrer mes seins à tous les passants quand j'allaite. Mais quand Coco et moi avons fini par maîtriser la technique, j'ai abandonné le tablier à la fois parce que c'était plus simple, et aussi parce que je voudrais bien vous voir faire tolérer ce genre de tablier à un bébé qui s'intéresse de plus en plus au monde qui l'entoure. Oui, il y a des femmes qui revendiquent le droit de se mettre les seins à l'air entre les petits pois et les tomates à l'épicerie. Oui, moi aussi, je trouve qu'elles exagèrent et que j'ai pas envie de les voir, leurs seins. Sauf que le débat, il est pas là.
Sur Facebook, par exemple, la question n'était pas "est-ce que les femmes devraient afficher des photos d'elles en train d'allaiter?". La question était plutôt "est-ce que les photos de femmes en train d'allaiter constituent de l'indécence et de la pornographie?" Et la réponse à cette question, c'est non. Point final. Juste pour ça, Facebook n'avait d'autre choix que d'accepter de telles photos. Surtout que, la plupart du temps, on en voit plus sur les photos de profil de pitounes en décolleté que sur des photos d'allaitement! Ça n'a pas empêché un tas de gens de s'indigner qu'ils n'avaient aucune envie de voir ça, des seins de femmes en train d'allaiter. Et là, moi, je saute ma coche, parce que c'est de valeur, mais on vit dans une société où on ne choisit pas d'interdire les comportements susceptibles de rendre les autres mal à l'aise; on dit plutôt aux personnes mal à l'aise de regarder ailleurs. Ça vous rend mal à l'aise de voir un couple s'embrasser langoureusement dans l'autobus? Regardez ailleurs. Ça vous rend mal à l'aise de voir deux hommes ou deux femmes marcher dans la rue en se tenant la main? Regardez ailleurs. Ça vous rend mal à l'aise de voir une femme en train d'allaiter? REGARDEZ AILLEURS.
Les femmes ont le droit d'allaiter sans se cacher, et vous avez le droit d'être mal à l'aise. Avec la solution simplissime que constitue le "regardez ai-fucking-lleurs", je vois vraiment pas où la liberté des premières empiète sur la vôtre.