Je débarque de l'auto de Peanut beaucoup trop tôt devant l'immeuble où se déroulera mon stage. Je passe une bonne vingtaine de minutes à fixer le paysage et à passer en rafale à peu près tous les horribles scénarios qui pourraient m'arriver - incluant celui où j'ai pris le métro et celui-ci plante et me met en retard. Je l'ai déjà dit, j'aime bien exorciser mon stress en m'inventant des peurs. Quand j'étais petite, le soir, quand tout le monde était couché et que je dormais pas, j'entendais assez souvent un bruit... un genre de boum, boum, boum, plutôt lent, et comme je savais pas ce que c'était, je m'imaginais que c'était un énorme robot style Transformer qui était dans la cuisine et qui avançait lentement dans le corridor et qui allait éventuellement se rendre à ma chambre. Alors, je me foutais la tête sous les couvertures et je respirais très lentement, en me disant que comme ça, le robot ne me verrait pas quand il entrerait dans ma chambre - ou il croirait que j'étais morte. Je me suis rendue compte des années plus tard que le bruit que j'entendais, c'était uniquement mon propre sang poussé par chaque battement de coeur. Mais bon.
Je disais donc que je me suis fait des peurs pendant une vingtaine de minutes, avant de me diriger vers l'ascenseur, où j'ai vu, consterné, que dans le même immeuble se trouvait le bureau de mon prof de juridique de cet hiver. Ça veut probablement dire que j'ai de grandes chances de tomber sur mon prof de juridique cet été. Ça, ça faisait pas partie de mes petits scénarios d'horreur...
Je monte en haut, j'appelle mon encadreure/euse/trice (aucune idée du féminin du mot encadreur, je m'en suis tapée une crise de nerfs quand j'ai voulu rentrer mes heures tout à l'heure, mais bon, j'ai décidé que je m'en fichais). Elle vient me rejoindre à l'entrée - elle fait à peu près 4 pieds 10. Je me suis dit qu'on était faites pour s'entendre, elle et moi.
Elle m'a fait entrer dans un dédales de cubicules gris, où j'ai pressenti que j'allais me perdre un jour. Elle m'a montré mon bureau, m'a dit que le sien était juste à côté, et lorsqu'on s'est rendue là, j'aurais bien été en peine de retrouver mon chemin jusqu'au point de départ.
Je lui ai appris que c'était mon deuxième stage (on lui avait dit que c'était mon premier, j'aurais peut-être dû me taire), j'ai déclaré inutile les petites formations (sur Word, PowerPoint, etc) auxquelles j'aurais droit et ensuite nous sommes parties faire un tour du bureau. On m'a présenté des gens (j'ai retenu environ 4 noms, que je suis pas sûre de pouvoir associer aux bons visages, mais bon), d'autres stagiaires (qui étaient en train de faire la même tournée que moi), un photocopieur, un toaster et quelques micro-ondes. Le premier couple stagiaire-encadratère que j'ai croisé était formé de deux filles rigoureusement de la même grandeur. Cette fois, j'ai affirmé à voix haute mon impression que tout avait été prévu selon la grandeur. J'ai été présenté à un autre encadreur dont la stagiaire était en retard à cause que le métro était en panne. Je me suis fait un petit hommage personnel à mes dons de double vue. On m'a montré tout pleins de ressources nouvelles, attribué un compte d'ordinateur, de messagerie, de feuille de temps et d'internet ainsi qu'un texte et je suis restée toute seule pendant environ une demi-heure entre mes quatre pans de carton gris le temps de digérer tout ça.
Puis j'ai commencé ma toute première traduction - mon encadratatrice a été très impressionnée qu'après toutes les informations qu'on me bûchait dessus, j'aie été capable d'aller chercher mes documents toute seule dans le réseau. Évidemment, comme je ne pouvais pas être brillante jusqu'au bout, vers midi et demi, je suis allée la déranger pour lui demander si elle pouvait bien me reconduire jusqu'aux micro-onde entrevus plus tôt.
J'ai reçu tout plein d'e-mails qui m'ont annoncé 3 formations d'ici à mardi prochain, je me suis créé un nombre incroyable de mots de passe, j'ai fini par comprendre, vers la fin de la journée, comment fonctionnaient mes feuilles de temps, j'ai décidé de prendre une demi-heure de diner pour finir plus tôt, j'ai aussi appris que c'est très gênant quand un cellulaire au son perçant comme le mien se met à criailler lorsque tout ce qui vous sépare d'un environnement très silencieux, c'est des pans de carton gris. Mon internet n'avait toujours pas été activé quand je suis partie, et j'ai sérieusement envisagé de me pitcher dans les murs parce que ça me privait de dictionnaire de synonymes. Je l'ai pas fait parce que j'avais pas envie de détruire la belle architecture cubiculaire de l'endroit.
C'est donc à peu près ce qui s'est passé dans ma première journée de stage, j'aime bien, les gens sont très gentils, mais selon mon encadromateuse, ils mangent presque tous dans leur cubicule, ce qui, eh bien, n'est pas exactement l'idéal pour socialiser. C'est rare que je tiens à socialiser, mais c'est généralement utile quand on veut s'intégrer à un milieu de travail.