Bon, aujourd'hui, c'est le tour de la petite histoire triste.
Tout le monde a une petite histoire du genre, mais je dois avouer que moi, je ne l'ai pas vraiment vue venir. J'ai la chance d'avoir un entourage plutôt heureux : si je devais faire un classement déprime, je suppose que j'arriverais au deuxième rang, c'est tout dire ! Évidemment, ça ne veut pas dire que tout est rose dans mon monde et celui de mon entourage, mais dans l'absolu, on peut dire que nos problèmes sont relativement légers et qu'on survit quand même assez bien.
Je suis allée au primaire avec un garçon. Je crois que je l'ai connu en cinquième ou sixième année. On n'était pas particulièrement amis : on se parlait occasionnellement. Ensuite, nous sommes partis pour le secondaire, dans deux écoles différentes, donc pendant un bout, je n'ai plus entendu parler de lui, jusqu'au jour où j'ai été engagée pour garder sa demi-soeur.
C'était une situation plutôt bizarre, c'est-à-dire que parfois, quand j'allais garder, il était là. Il refusait simplement de garder sa soeur et de ne pouvoir quitter pour aller faire des trucs ou sortir s'il le voulait. Il restait généralement dans sa chambre, il ne m'a jamais dit un mot, ni même jeté un regard laissant entendre qu'il se souvenait de moi. J'ai donc suivi son lead et quand j'ai arrêté de garder, j'ai continué de recevoir de ses nouvelles par l'intermédiaire de mon père, ami avec son beau-père.
Le gars n'allait vraiment pas bien, c'était clair. Il s'est mis à scraper véhicule par-dessus véhicule - puis un jour, il est apparu que c'était des tentatives de suicide. Il a fait un séjour dans un institut psychiatrique. Il a été mis sur les anti-dépresseurs. Je sais, ce n'était pas le premier, mais j'étais un peu troublée parce que je classe les gens que je connais moins ou que je vois rarement dans une catégorie hors du temps : ainsi, le frère de Jo aura toujours 14 ans, ma soeur, toujours 16 ou 17 ans. J'avais donc un peu de difficulté à associer un des clowns de ma classe du primaire avec des anti-dépresseurs.
Quand ma mère et moi sommes revenues de voyage, mon père nous a appris que ce gars-là était disparu à Woodstock en Beauce la fin de semaine de la fête du Canada. Il était allé avec ses amis, avec qui il s'est chicanés. Il a donc quitté en laissant la clef de la voiture et ses anti-dépresseurs.
Il a été retrouvé dernièrement : il s'est pendu.
Je ne vous dirai pas que la vie est courte et d'en profiter, je vous dirai pas après la pluie le beau temps, je vous dirai pas de dire aux gens que vous les aimez avant qu'il ne soit trop tard, je ne vous dirai aucune bullshit pré-fabriquée fake du genre. C'est trop facile de se servir de la mort et du malheur d'une personne pour faire des leçons aux autres, comme si on avait la moindre idée de ce dont on parle.
Je pourrais m'indigner du fait que ça faisait des années que le gars était dépressif et traité et qu'il a quand même fini comme ça et que c'est pas normal qu'on l'ait laissé faire. Sauf que c'est tellement facile d'échouer dans la vie, et on ne peut pas blâmer les gens pour les décisions d'une personne. Je peux pas blâmer la voisine si je décide de me pitcher sur son chum, je peux pas blâmer ma mère et sa relation avec son poids si je décide d'arrêter de manger et je peux pas blâmer mon psy si je décide de me tuer.
Je dirai simplement que je crois mesurer le courage que ça prend pour poser ce geste-là et que j'ai énormément d'admiration, peut-être mal placée, pour ce courage-là.
Je pourrais également avoir pitié de lui car je peux seulement imaginer à quel point il a été malheureux et pendant combien de temps pour en venir là, mais si je dois absolument avoir de la pitié, elle sera pour sa famille et pour sa mère, qui se bat présentement avec un cancer et qui ne doit pas feeler pour se battre avec toute cette histoire-là.
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