Chers étudiants,
Je vous regarde depuis plusieurs semaines vous démener avec l'énergie propre à la "politique étudiante" pour réclamer la gratuité scolaire et rejeter en bloc tout autre compromis. Et je trouve ça dommage parce que vous refusez de voir la réalité.
De mon côté, j'ai eu de la chance, beaucoup de chance. Je suis passée avant vous, juste avant le dégel des frais de scolarité. Je fais partie de la cohorte qui a fait comprendre au gouvernement qu'il se trompait quand il a décidé de sabrer dans les prêts étudiants. Quand le gouvernement a reculé en 2005, il avait déjà annoncé qu'il devrait alors opter pour le dégel. Parce que l'argent ne pousse pas dans les arbres au Québec, malheureusement.
J'ai eu la chance d'être admissible non seulement à des prêts, mais à des bourses. J'ai même eu droit à une remise de ma dette de 10% parce que j'avais terminé mon bac dans les temps prévus (ce programme existe-t-il encore?). Ce n'est certainement pas tout le monde qui se trouve dans la même situation.
Par contre, aujourd'hui, la classe moyenne, je l'incarne toute entière. C'est moi, la classe moyenne.
Encore parce que je suis chanceuse, j'ai décroché de bons emplois assortis d'un bon salaire, et je verse la part du lion tous les ans en avril.
Je paie ma TPS et ma TVQ à 9,5%, et je ne reçois aucun crédit pour. Je fais quelques dons à des bonnes causes chaque année, et je récolte les reçus, mais je n'ai quand même pas assez d'argent pour utiliser la charité comme échappatoire fiscal. J'ai un médecin de famille situé à trois heures de route de chez moi, qui ne travaille que le samedi, et depuis trois jours je me pointe au bureau uniquement parce que j'ai pas envie d'aller attendre dans une clinique sans rendez-vous pour avoir un certificat médical pour retourner chez moi soigner mon infection de la gorge, mais ça ne m'empêche pas de payer ma cotisation santé qui augmente exponentiellement d'une année à l'autre.
Je conduis sur des routes maganées et des viaducs qui s'écroulent, mais j'ai quand même remarqué que depuis quelques années, mon permis de conduire expire chaque année plutôt qu'aux deux ans, et qu'il a doublé de prix.
Je serais étonnée que mes enfants à moi aient une place dans un CPE à 7$ par jour, et je sais que moi, j'aurai droit à à peu près zéro en prestations du gouvernement pour mes enfants. Moi, je vais encore piger dans mes poches pour payer une garderie en milieu familial à 25$ par jour par enfant.
Mes enfants ne seront pas non plus admissibles au programmes de prêts et bourses pour leurs études postsecondaires. Je vais donc devoir prévoir ce coup-là, aussi, et investir dans un REEE pour leur permettre d'aller à l'université.
C'est pour ça, chers étudiants, que je peux pas vous payer votre gel des frais de scolarité. C'est à moi que vous le demandez, et je ne peux pas.
J'ai de la chance parce que même après tout ça, il me reste quelques sous pour moi, à dépenser comme il me plaît. C'est presque étonnant, mais c'est bien le cas. Mais je suis pas certaine que ça veuille dire que je ne contribue pas assez.
C'est dommage, parce que dans un sens, vous avez raison : des frais de scolarité de près de 5000$, c'est beaucoup. L'augmentation est exagérée. En tant que société, c'est pas ce choix-là qu'on veut faire.
Mais on n'a plus le choix. Ya plus nulle part où aller chercher des sous... Au Québec, on voit grand, mais on n'a pas les moyens de voir grand.
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