9 mai 2003
Il était une fois un village situé sur le bord de la mer. La température était toujours clémente dans ce village, aussi il n'y faisait jamais assez froid, même en plein coeur de l'hiver, pour que nul n'ait envie de se baigner dans la mer.
La mer était très belle, avec sa couleur turquoise, ses petites vagues et les jolis coquillages qu'elle crachait sur le sable de la plage, mais elle était aussi ce dont quoi les villageois avaient le plus peur.
C'était en effet une eau très mystérieuse. Claire comme en voit rarement, elle semblait promettre le paradis si l'on s'y baignait. Mais les eaux n'ont que très rarement la même définition du mot «paradis» que les hommes, et il ne faut pas leur faire confiance.
Plusieurs se laissaient tenter par cette mer-là, et parfois, même s'ils s'aventuraient plus loin que le recommandait la prudence, la mer ne réagissait pas, se contentant de les regarder nager, sachant qu'ils reviendraient tous tôt ou tard. Ces nageurs-là rentraient chez eux en disant : «Quoi ! Cette eau-là, dangereuse ? À d'autres ! C'est une baignade des plus innofensives - et du reste, très agréable.»
Mais le plus souvent, dès que quelqu'un tentait d'attenidre ce que semblait présenter la mer, celle-ci l'avalait. Comme ça, d'un seul coup. Vous étiez là un instant, innocent, sûr de vous - et puis, vous n'y étiez plus.
Plusieurs disparaissaient ainsi mais cela n'alarmait pas vraiment les autres. C'était quand même un grand village et quand on entendait parler de ces disparitions, on ne faisait que hausser les épaules en se disant que ça n'arrivait qu'aux autres. De plus, il ne fut jamais émis de liste officielle des disparus, et le danger que posait la mer resta pour le village au pire une réalité plus ou moins fréquente et au mieux, une histoire de bonne femme.
Quelques rares nageurs que la mer avait avalés revenaient. Quand on leur demandait ce qu'ils avaient vu, ils parlaient confusément de tourbillon, de sensation de noyade et d'isolation, même s'ils étaient des milliers. Ceux-là avaient très tangiblement conscience du danger que représentait l'eau, pourtant ils restaient tous étrangement fascinés par cette plage. Certains choisissaient de s'en tenir loin, mais d'autres retournaient à l'eau se faire avaler. Quelques-uns revinrent au village plus d'une fois, sans jamais pouvoir être certains qu'un jour la mer les laisserait tranquilles.
Ils auraient pu tenter de faire comprendre aux autres le danger les entourant, mais ils ne comprenaient pas tout à fait eux-mêmes la teneur de ce mystère, et puis le tout ne leur semblait pas si mal, en réalité. De plus, la mer et ses histoires étaient entourées d'une sorte de tabou, d'auréole de honte et de gêne, aussi, quand les rescapés conseillaient aux gens de se tenir loin de la plage, ce n'était jamais qu'à voix très basse. Et quand on en discutait ouvertenement au village, eux se taisaient, assis bien sagement dans leur coin.
Et pendant ce temps, la mer avalait quelqu'un.
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