Friday, November 27, 2020

 Au cégep, mon premier cours d'édu a été volley-ball. J'avais choisi ça par élimination parce que je suis donc ben pas une fille de sports d'équipe. Faque le volley-ball, c'était le moins pire des choix offerts. Pis j'étais pas super bonne au volley-ball (donnez-moi une chance, je fais 5 pied câline), mais j'étais pas terrible non plus. Sauf qu'au cégep, quand tu n'es pas moi, tu choisis comme cours d'édu le sport de ta vie. Je me souviens encore qu'au premier cours, le prof avait fait sortir des rangs les personnes qui n'avaient jamais fait de volley-ball à titre quasi-professionnel. (J'exagère, mais vous voyez l'idée.) Nous étions quatre, et le prof nous avait séparé dans chacun des quatre équipes formées dans le groupe.

J'avais choisi l'un des quatre capitaines désignés en fonction de son apparence physique agréable (ben quoi, c'est un critère comme un autre), et ça avait été une erreur, parce que ce gars-là était là pour nous mener vers la victoire avant d'entamer sa carrière internationale. (Encore là, c'est ma théorie personnelle, mais comme il nous faisait faire un réchauffement de feu - admirez le jeu de mot - en courant autour du gymnase alors que les autres équipes s'étiraient comme des personnes normales dans un espace restreint, je trouve qu'elle a du sens.) Il était sûrement capable d'être sympathique, mais quand il s'est rendu compte que son équipe n'avait pas le calibre olympique qu'il avait espéré, il s'est surtout avéré être un osti d'air de boeuf. Après deux-trois parties passées dans un silence quasi-absolu, lourd de l'insatisfaction de notre capitaine, je me suis fâchée. Pis sans vraiment savoir tout à fait pourquoi, j'ai décidé de faire la cheerleader. De ne pas laisser le caractère de marde de mon capitaine gâcher mes cours d'édu et de ne pas faire semblant que j'étais là à prétendre que j'avais du talent au volley-ball. Pis j'ai fait la cheerleader FORT. Mais fort, là. J'ai passé tous les cours, tous les cours de septembre à décembre, à hurler des encouragements démesurés à mon équipe qui perdait sans vergogne, sans tenir compte du fait que les trois autres équipes devaient me trouver complètement folle. "C'est pas grave, moi je le sais qu'on est bons!" "Go go go, on est capables!" "Bon service, on lâche pas!" Le plus drôle là-dedans, c'est que personne ne m'a dit de me calmer le pompon. Même pas mon capitaine qui haïssait sa vie. Pas mes coéquipiers, même pas les autres équipes qui devaient être à boutte de m'entendre. Même que, à la fin du premier cours où je me suis démenée comme ça, le prof, dans son speech à tous à la fin du cours, nous a invité à nous encourager davantage entre nous. Si c'est pas du enabling ça, je sais pas ce que c'est.

Lorsque nous sommes tous partis en télétravail du jour au lendemain en mars, mon équipe a comme cessé de se parler. Il y a des gens à qui je parlais tous les jours à qui je n'ai rien dit pendant des semaines, voire des mois. Au début je m'en fichais un peu. C'était temporaire. Mais au fil du temps, c'est devenu moins temporaire. Et j'ai commencé à voir un peu d'usure dans les relations. Ajoutez à ça qu'on a en plus embauché deux nouvelles personnes récemment. Comment intégrer des personnes dans une équipe quand même les anciens ne se parlent pas?

Faque, 20 ans après mon cours de volleyball de marde, j'ai eu exactement la même réaction : je me suis transformée en cheerleader. J'envoie des courriels hebdomadaires pour dire des niaiseries et lancer des discussions, j'envoie d'autres courriels pour souligner les anniversaires et je suis en train d'organiser un lunch de Noël pour mon équipe. Des affaires qui sont vraiment pas mon genre, juste parce que je trouve que ça a juste pas d'allure de nous saborder comme équipe juste parce qu'on est des traducteurs, donc des êtres socially awkward hautement fonctionnels.

Et, encore une fois, je constate que les années passent, mais que j'évolue pas tant que ça.