Monday, April 02, 2007

Parfois, elle joue à un jeu : elle joue à faire semblant.

Elle aimerait s'appeler Alice. Comme Alice au pays des merveilles. Si on vit dans un pays des merveilles, ça implique qu'on est merveilleuse, non ?
Ou Pandore, à la limite.
Mais Alice, c'est plus joli.

Elle se promène dans la rue en souriant aux étrangers, confiante. Elle récolte des sourires en récompense, elle jette des coups d'oeil aux vitrines - si elle voulait, si elle le voulait vraiment, elle pourrait entrer là, acheter cette jolie petite camisole au décolleté plongeant; ou arrêter là, rapporter un dessert à la maison, et déguster un grand mochacino sur place, à une de ces petites tables au look branché, en travaillant à un dossier important sur ce portable qu'elle ne possède pas, mais qu'Alice possèderait, qu'elle pourrait acheter à la prochaine boutique d'informatique qu'elle croisera, en fait. Sans problème. Sans effort. Elle pourrait faire toutes ces choses si elle le voulait vraiment.

Elle pourrait ne pas se poser toutes ces questions si elle le voulait, elle pourrait juste enfiler les journées les unes après les autres comme si de rien n'était, comme tout le monde, parce que si elle le souhaitait, ça serait véritablement aussi facile. Alors elle sort, elle rit, elle parle comme si c'était un choix, elle dit ce qu'Alice dirait.

Et elle s'amuse à se faire croire qu'elle prend ces décisions; que c'est demain que ça commence - que dès demain matin, elle sera assise à la table de la pâtisserie avec son portable et son grand mochacino. Avec extra crème fouettée, tiens. Et que ça sera naturel - pourquoi ça ne le serait pas ?

Ou mieux encore : dès cette minute, elle pourrait saisir le téléphone et appeler Marie. Sans problème. Car c'est si simple. Et elle se dit qu'elle va le faire, que c'est maintenant le moment qu'elle choisit - et elle étend le bras, s'empare de la télécommande et change le poste de la télé.

Ce n'est pas une défaite parce que ce n'est jamais qu'un jeu; ça lui fait du bien de s'imaginer que.

Mais elle n'est qu'elle-même, pas Alice; et en attendant, elle croque dans sa pomme.

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